LETTRE DU GENERAL DE GAULLE A WINSTON CHURCHILL

Le 10 Mars 1943

Très secret.

Monsieur le Premier Ministre,

Les informations qui sont envoyées de France au Comité National rapportent que les Allemands augmentent sans cesse les déportations de Français en Allemagne. Il semble que tous les Français mâles de dix-huit à trente et un ans et tous les ouvriers jusqu'à cinquante ans puissent être, d'ores et déjà, visés par les mesures en cours d'exécution. Ces départs en masse sont évidemment de nature à compromettre gravement l'action de la Résistance française en territoire national.
L'insurrection générale en France serait le seul moyen susceptible d'empêcher le départ progressif de la partie la plus active de la population. Le Comité National est prêt à la prescrire à tous les éléments organisés de la Résistance, mais à la condition que cette insurrection soit conjuguée avec une action puissante et profonde entreprise par les Alliés en Territoire français ou sur un territoire limitrophe. Faute de quoi, l'insurrection ne pourrait conduire qu'à des massacres sans compensation stratégique ni morale. Je dois ajouter que le Comité National Français juge infiniment désirable le déclenchement très prochain d'opérations offensive en Europe occidentale, opérations dont dépendent maintenant non seulement l'envergure de la participation de la France à cette phase de la guerre, mais encore sa destinée.
Cependant, en tout état de cause, il semble essentiel de maintenir en France, dans toute la mesure du possible, les meilleurs éléments de l'Armée Secrète organisée sur le territoire par la France Combattante. On peut évaluer à 50 000 le nombre d'hommes d'une grande qualité combative appartenant à cette armée qui sont intéressés par les mesures actuelles de déportation et auxquels le Comité National compte prescrire de s'y dérober à tout prix pour rester prêts à exécuter les missions de combat qui leur sont attribuées.
Toutefois, pour qu'une telle disposition puisse avoir sa valeur, il est indispensable que soit assurée la subsistance de ces effectifs dissimulés aux recherches de l'ennemi et de ses collaborateurs. Il est également nécessaire de les doter sans délai d'un armement et d'un outillage adéquats afin que ces hommes, constamment menacés, aient la possibilité de se défendre à chaque instant.
Je vous serais reconnaissant, Monsieur le Premier Ministre, de me faire connaître si le gouvernement de Sa Majesté britannique est disposé à fournir son aide pour la subsistance, l'armement et l'outillage de cette Armée Secrète française, sur la nature, le rôle et les besoins de laquelle les services français compétents tiennent d'ailleurs exactement informés les services britanniques correspondants. Je suis naturellement tout prêt à m'entretenir avec vous de ces questions.
Bien sincèrement à vous.
C. de Gaulle
Copie adressée au Général Brooke, à Londres.


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