EXTRAITS DU COMPTE-RENDU REDIGE
PAR LE Lt-COMMANDER KITTREDGE
APRES LES CONVERSATIONS SUR L'ORGANISATION
DE L'ARMEE SECRETE
et NOTES RECTIFICATIVES



I- Le Général Delestraint ainsi que M.M. Jean Moulin et Cavaillès insistèrent tout particulièrement sur les points suivants:
Toutes les organisations de Résistance en France acceptent maintenant d'avoir pour chef le Général de Gaulle. (...)
II- Organisation de l'Armée Secrète (...)
III Opérations actuelles de Sabotage (...)
b- la fourniture de matériel, par l'Angleterre, pour créer un dépôt de matériel aussi vaste que possible (1), (...)
d- l'établissement d'un réseau de communications s'étendant sur toute la France. Il existe déjà environ cent vingt emplacements radio et ce nombre peut être augmenté à l'infini (2). (...)

IV- Plans pour la "Bataille de l'intérieur"
Ces émissaires venus de France ont déclaré au Général de Gaulle et à son E.M. que l'A.S. et les groupes organisés de Résistance à l'intérieur de la France sont maintenant d'une telle force et d'une telle cohésion qu'ils sont capables d'effectuer plus que du sabotage ou des opérationsde destruction. Elle dispose d'un nombre croissant de recrues entraînées; réservistes, officiers, militaires de carrière et de fornations paramilitaires. Le Général de Gaulle et le Général Delestraint ont donc proposé au C.I.G.S. que les plans de coopération entre les E.M. anglo-américains et l'A.S. aillent jusqu'à comprendre des plans pour une "Bataille de l'intérieur" (Battles of the interior), bataille qui coïnciderait avec avec le débarquement allié. Si de tels plans sont approuvés, il y aura lieu d'envisager une vaste augmentation du matériel et des armes fournies. Les opérations en question pourraient ressembler à celle de la guerille russe à l'arrière des lignes allemandes. (...)

V- Plan et Conduite de la "Bataille de l'Intérieur" (3)
Le Colonel Billotte et le Général Delestraint ont insisté tout particulièrement sur la nécessité d'établir un plan en vue d'intégrer les opérations de la "Bataille de l'intérieur" à celles des forces d'invasion. Ceci ne pourrait être effectué qu'à la condition que certaines mesures fussent adoptées et préparées, telles que:

a- la désignation au plus tôt d'un seul commandant en chef allié, avec le personnel nécessaire pour projeter et organiser les opérations, tant à l'intérieur qu'aux points de débarquement;

b- la désignation d'un commandant en second avec le personnel nécessaire pour la "Bataille de l'Intérieur". Il serait chargé des forces aériennes, des troupes d'infanterie de l'air et de l'Armée Secrète;

c- l'intégration de l'A.S. dans le plan général des opérations et l'établissement de bonnes liaisons et transmissions entre le commandement de l'A.S. en France et l'Etat-Major interallié.

d- la fourniture d'armes nécessaires et du matériel requis pour une immense action de guerilla durant la "Bataille de l'Intérieur" à l'arrière des lignes allemandes, au moment du débarquement allié

VI- Le Rôle de la France Combattante
Le Colonel Billotte a déclaré que des conversations étaient engagées qvec les autorités militaires britanniques sur les diverses questions traitées ci-dessus. Il semblerait qu'il y ait accord de principe pour une augmentation du matériel à fournir en France, et un programme plus vaste de coopération avec les opérations de l'Armée Secrète serait envisgé. Les groupes locaux sont équipés à l'heure actuelle pour se charger de plus nombreuses opérations aériennes que celles organisées par les Britanniques. Au cours de Février, 40 opérations ont été proposées, 4 seulement ont été effectuées. Pour le mois de Mars, 80 opérations ont été proposées; sur ce nombre, dix seulement pourront être effectuées. Une quantité très minime d'avions est actuellement disponible L'Armée Secrète pourrait assurer la réceprtiond'un millier d'opérations, (1), chacune apportant une tonne de matériel par mois.
Le Colonel Billotte a également signalé l'importance qu'il y aurait à ce que des contacts fussent établis et du matériel livré par l'intermédiaire des forces alliées en Afrique du Nord (4). Il est à craindre cependant que l'aide apportée d'Afrique du Nord aux Forces Résistantes en France ne profite à d'autres groupes, partisans de Giraud, et non à l' Armée Secrète gaulliste.
Signé: T.B. KITTREDGE
NOTES RECTIFICATIVES

1- Commentaire écrit du Général Delestraint, le 18 Mars:
"J'ai insisté sur la fourniture de matériel, non pas pour créer un dépôt aussi vaste que possible, ce qui ne servirait absolument de rien, ce dépôt devant être fatalement repéré et pris par l'adversaire; au surplus, le transport des armes est impossible et nous ne pourrions armer nos guerillas, mais des dépôts de faible importance, de faible importance, aussi nombreux que possible et répartis sur l'ensemble du territoire français".
Signé: Vidal
2- Note du Général Delestraint le 18 Mars:
"Cent vingt stations radio sont prévues, mais le matériel n'existe pas".

3- Note du Général Delestraint: 18 Mars 1943:
"Les plans pour la Bataille intérieure sont beaucoup plus vastes que ce que j'ai pu exposer et que ce qui me parait pratiquemment réalisable. Il importe de ne pas tromper nos Alliés. En France, les conditions géographiques, et même politiques, interdisent la constitution d'unités d'une certaine importance qui, comme celles du Général Mikhailovitch, vivent sur elles-mêmes et harcèlent l'ennemi. Il ne peut être question de bataillons et de régiments -cesunités, confinées dans des réduits seraient rapidement mises hors de cause. D'ailleurs l'occupation et la surveillance policière interdiraient leur réunion, elles seraient incapables de subsister et de combattre. Il ne peut être question que d'une immense action de sabotage, coordonnée quant à sa préparation, entièrement décentralisée quant à son exécution ".
Signé: Vidal
4- Note écrite de Jean Moulin (Rex), le 18 Mars 1943.
"Je suis personnellement très impressionné par les déclarations, absolument déformées, que nous prêtent les Américains. Cela ne correspond nullement au rôle bien déterminé de l'A.S., tel que le conçoit très raisonnablement le Général Delestraint. Ce rôle est d'ailleurs suffisamment important pour ne pas l'exagérerà l'excès.
En ce qui concerne les opérations aériennes, dont j'ai personnellement la charge, je n'ai jamais envisagé que les Alliés puissent faire mille opérations par mois, chacune d'une tonne.
Je suis d'autant plus surpris de ces assertions que la traduction qu'a faite le Commandant Kittredge de nos déclarations, très modérées, a été parfaitement honnête et loyale".
Signé: REX (J.M.)
P.S. "Tous mes respects et toujours passionnément dévoués".*
* Passy, Colonel. Souvenirs. T.3. Op. Cit. p.321 à 326.


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